La révocation du gérant de SARL, entre abus et justes motifs
Selon un arrêt de la Cour d’appel de Reims rendu le 14 juin 2022, n°20/01366, un juste motif de révocation peut être retenu même s’il n’a pas été communiqué au gérant de SARL avant sa révocation. En revanche, cette omission rend la révocation abusive, tout comme le fait de suspendre son mandat en attente de la révocation.
Cet arrêt vient affiner les contours de la révocation du gérant de SARL, dans la lignée d’une longue jurisprudence s’y attelant. L’occasion pour Neolaw de revenir sur la procédure et les subtilités de la révocation d’un gérant de SARL. 😉
Les étapes formelles à respecter
Il convient de bien suivre la procédure de révocation, sous peine que cette dernière soit frappée de nullité.
- Convoquer les associés en assemblée. Il s’agit normalement d’un rôle attribué au gérant. Or, s’il est seul, il peut refuser d’effectuer la convocation. Dans ce cas, il est possible pour tout associé de se tourner vers le président du tribunal de commerce afin d’obtenir la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée. Retenez bien qu’un simple associé ne peut pas procéder à la convocation lui-même !
- Inscrire la révocation à l’ordre du jour de l’assemblée générale. Un sujet non prévu à l’ordre du jour ne pourra être débattu en assemblée.
- Voter la révocation à la majorité des parts. Attention, le gérant a un droit de vote sur sa propre révocation. Si la majorité n’est pas obtenue à l’occasion du premier vote, il est possible d’avoir recours à un second vote, à la majorité des votes émis. Les statuts peuvent prévoir une majorité plus forte, ou exclure la possibilité d’avoir recours à une deuxième consultation.
- Voter pour un nouveau gérant.
- Accomplir les formalités administratives auprès du greffe du tribunal de commerce du lieu du siège de la société.
Comment justifier la révocation ?
La révocation doit être motivée par de justes motifs. Dans le cas contraire, le gérant pourra se voir verser des dommages et intérêts.
Voici quelques motifs de révocation admis comme “justes” par la jurisprudence :
- faute de gestion ou mauvaise gestion du gérant
- comportement contraire à l’objet social
- infraction du gérant portant sur une obligation statutaire ou légale
- divergence de vue avec les associés
Quand la révocation devient-elle abusive ?
Une révocation pour justes motifs peut être qualifiée d’abusive. Il s’agit de deux notions indépendantes l’une de l’autre. L’abus réside dans la dimension vexatoire de la révocation, en ce qu’elle a pu porter atteinte à l’honneur ou à la réputation du gérant. Cela sera notamment le cas si la révocation a été décidée de manière brutale ; si le gérant n’a pas pu se défendre pendant l’assemblée, etc. Une révocation abusive peut donner lieu au versement de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi par le gérant révoqué.
Une alternative : la révocation judiciaire
Dans les cas où le gérant refuserait de convoquer l’assemblée, ou si, étant majoritaire, il venait à bloquer le vote de révocation, il est possible de surmonter ces difficultés en ayant recours à la révocation judiciaire.
Toutefois, plusieurs conditions doivent être réunies afin de pouvoir demander la révocation sur décision de justice :
- le gérant doit avoir été mis en demeure de convoquer l’assemblée, et ne pas avoir réagi ;
- la cause de la révocation souhaitée est légitime (dans les faits, la cause légitime est semblable aux justes motifs) ;
- la demande doit être conforme à l’intérêt social. En effet, l’intérêt des associés ne coïncide pas toujours avec l’intérêt de la société.
Derniers conseils
- Bien relire les dispositions statutaires relatives à la révocation du gérant, et les dispositions de l’éventuel pacte d’associés
- Bien communiquer en interne et informer le gérant sur les raisons de sa révocation si elle devient inévitable
- Ne pas hésiter à faire appel à un avocat, pour éviter d’avoir à payer des dommages et intérêts suite à la révocation du gérant
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